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IDYLLE SAPHIQUE

— Comment ? Vous ne trouvez pas que je vous ressemble ?… des yeux ?… des yeux seulement, ajouta-t-il confus.

Elle éclata de rire, puis dit :

— C’est ma foi vrai !… Vous avez raison, mais je n’y pensais pas, voilà ! Recommencez ! Oui… c’est vrai… il y a quelque chose… mais oui, c’est la même forme, la même couleur, presque la même expression au fond de tristesse, je vous demande pardon.

Il se remettait et lui baisait les mains, joyeux maintenant.

— Que je suis heureux, Annhine !… J’ai vos yeux, vos yeux, vos jolis yeux ! — Il la contemplait extasié. — Vous êtes si belle, murmura-t-il, nulle autre ne peut vous être comparée, si attirante !… Je suis si content d’avoir vos yeux, Annhine ! Je me regarderai souvent quand je serai loin de vous.

Elle s’assit près de la fenêtre ; le jour mourant au travers des vitres nimbait son fin profil d’un rais de lumière pâlement douce, presque mystique. Dans sa longue robe de satin blanc, très lâche, peinte de branches de glycines aux grappes mauves et retombantes, aux larges manches fendues découvrant le bras nu et formant comme un développement d’ailes, les cheveux relevés très haut sur le dessus de la tête mignonne et dégagée, elle semblait une irréelle vision se détachant lentement d’un