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IDYLLE SAPHIQUE

quelque temps, chez elle, elle s’affubla de grandes robes très longues et droites en broderies lourdes, de dalmatiques orfévrées de pierreries, se para de bijoux anciens : pendants d’oreilles extraordinaires ocellés de saphyrs baroques, ceintures ciselées et constellées d’étranges perles, colliers bizantins, bagues énormes, d’un seul rubis, d’un énorme béryl, bizarrement sertis en des ors mats ou verdis. Elle se coiffa d’un petit bonnet vénitien filé d’or, de perles et de turquoises, puis elle rêva d’ornements à forme fantastique ; il lui fallut des grenouilles, des animaux de légende, des chimères, des dragons, des chats jaunes et noirs, des crocodiles… elle en posa partout : sur les consoles, tout autour de son lit, en haut des meubles, à terre, devant la cheminée, sur les tables, en dessous des chaises. Puis elle imagina des contes fous et voulut s’essayer à écrire. En une heure de sentimentalité, elle fit une petite chose assez gentille qu’elle dédia à Tesse. Ce n’était vraiment pas trop mal tourné ; elle y parlait des fleurs « fragiles et embaumées que nous arrachons cruellement de leurs tiges pour les laisser mourir en un bouquet banal dans une chambre close et qui nous charment encore jusqu’à la fin par l’exquisité de leur forme et la suavité de leur parfum. » Les chiens « fidèles et dévoués, que l’on néglige, que l’on traite durement et que l’on brutalise même, puis qui s’en reviennent lécher humblement la main qui les frappe » et enfin des hommes « que l’on