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IDYLLE SAPHIQUE

ruines gothiques dont les tours se reflètent dans l’eau, dans cette eau sombre et mystérieuse où se jouent des cygnes gris au bec rouge, des cygnes majestueux et tristes. Ah ! qui nous dira le secret de ces murs épais, de ces ponts-levis, des vieilles pierres énormes couvertes d’inscriptions, des peintures à demi effacées, de ces arbres séculaires, derniers vestiges d’un Passé qui se perd dans la nuit des temps ?… Puis ce parc tout autour, ces fleurs, ces jardins, et enfin ton coin à toi, ton home… et nous deux, seuls, amoureux et isolés. Qui nous dira aussi le secret de nos cœurs ?

Ah ! que de bonheurs vous m’avez donnés, Max, mon doux aimé. J’avais tout oublié, ma rancœur, mes souffrances. Votre amour me fit renaître, j’étais transfigurée, heureuse, en joie de vivre !

Et c’est pour éviter la bêtise stupide et éternelle des amants, des amants qui poursuivent leur bonheur jusqu’à la fin, jusqu’à la satiété, jusqu’aux larmes amères, jusqu’aux trahisons, que je veux interrompre notre si doux rêve d’amour avant que la réalité ne se dresse fatalement devant nous, avant qu’elle ne vienne nous rappeler ce que nous avons été, ce que nous sommes et ce que nous devons être !

Va… ce serait un crime d’aller plus loin ! Comme toi, je garde en moi un souvenir ineffaçable, si doux, si plein de poésie et de charme que c’est en lui-même que je trouve la force de te dire ceci :

Adieu, Max, mon bien-aimé, mon doux amant, et parce que je t’adore !

Nhinon