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IDYLLE SAPHIQUE

pensif et résolu, une beauté régulière et froide qui confirmait les vers du poète[1] :

« Je hais le mouvement qui déplace les lignes,
Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris. »

Et plus loin :

« Car j’ai pour fasciner mes dociles amants
De purs miroirs qui font toutes choses plus belles,
Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles. »

Douée d’une intelligence rare, ainsi que d’une grande force de caractère et de volonté, séduisante à l’excès, Altesse était parvenue très jeune à une haute situation dans la galanterie parisienne. Entourée d’un luxe inouï, elle vivait froidement la vraie vie de courtisane. Paris s’occupait beaucoup d’elle, on citait ses moindres actes, on répétait ses mots d’esprit : — Vous descendez de tel illustre ancêtre, disait-elle un jour à une grande dame déchue, la princesse Koniarowska qui avait le mauvais goût de poser avec affectation pour sa noble naissance, eh bien, moi je monte de tel et tel, voilà ! Sa devise était : Ego, et cela la résumait toute, altière, altesse et sans faiblesse.

Un certain jour qu’on lui présentait la feuille de recensement, elle vit que chaque demi-mondaine avait timidement signé : qui rentière, qui pro-

  1. Baudelaire. — Les fleurs du mal : La Beauté.