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IDYLLE SAPHIQUE

qu’à moi !… Bref, la vie me le reprend. Et moi, j’en souffre et je ne veux pas souffrir. Ce matin à mon réveil je me suis trouvée — seule sa voix tremblait, elle prenait sur elle pour ne pas fondre en larmes — Alors une angoisse m’a prise… et tellement forte que j’ai songé à toi, Altesse, ma chérie ; je venais te demander conseil, en recours !… Il me semble que je perds la tête ! Je te retrouve là, comme un corps sans vie, comme une abandonnée, seule, moi qui te croyais avec…

— Ah ! Nhinon !… et Tesse se couvrait, ramenant sur elle les batistes et les soies… J’ai essayé, j’ai voulu… au bout de quarante-huit heures je suis retombée dans mon néant… incapable. Non ! c’est bien fini, vois-tu, rien ne m’attire. Ah ! ne te prépare pas de telles douleurs ! Fuis !… Pars !… Coupe-toi la main pour t’épargner le reste. Arrête-toi dès la première peine — elle se surexcitait — allons nous-en, c’est l’heure !… et pour toi ! et pour moi !

Son exaltation gagnait Annhine :

— C’est cela, partons, quittons-les ! Il nous faut autant redouter les joies que les peines. Oui… Je vais faire chercher mes affaires là-bas… il ne doit rentrer que ce soir à l’heure du dîner… partons vite, prenons le premier train. Ernesta nous suivra avec les bagages. C’est Paris qu’il nous faut. Je ferai une lettre, j’écrirai un adieu. Souffrir pour souffrir, je préfère encore souffrir pour ma liberté que pour