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IDYLLE SAPHIQUE

Quand je mourrai, dis, Tesse, tu feras capitonner mon cercueil de satin bleu, jure-le moi.

— Folle !…

Il fallut qu’elle le lui jura.

— Moi je préfère la crémation, c’est plus propre.

— Moi, je n’ose ! Comment feras-tu dans la vallée de Josaphat, chérie, en recherche de tes cendres éparpillées ?

— Et toi, Nhinon la belle, avec tous tes petits vers ?

Elles discutèrent. Les gens se détournaient, ils prenaient Annhine pour une poitrinaire sans doute. Elle en fit la remarque à Tesse qui la plaisanta sur sa bonne mine.

— Tiens, par exemple, en voici un, là, chez l’horloger. Ah ! le pauvre garçon !… Regarde, Nhine !

Nhine se détourna et reconnut Robert Régis, un de ses amis, qui la salua et vint à sa rencontre. Elle lui tendit la main, étonnée, en amabilité affable :

— Bonjour, Robert. Que faites-vous ici ? Toujours un peu souffrant ?

— Toujours, dit-il, mais je n’en ai plus pour longtemps à souffrir, je pense, je vais mieux, et vous, Annhine, qui ou quoi vous a fait échouer en cet endroit ?

— Moi ?… Nous ?… Rien… Ah ! que je vous présente : Monsieur Robert Régis, avocat : Madame Altesse, mon amie…

— Madame !