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IDYLLE SAPHIQUE

Le lendemain matin, elles durent se lever très tôt. L’encombrement de la frontière, un froid intense qui les fit grelotter, la compréhension plus nette des choses les frappèrent de tristesse, les ramenant vers une réalité décevante et malsaine.

Elles semblaient s’occuper du petit chien, des bagages, s’efforçant d’échapper à leur trouble, ne se rendant pas compte de ce regret, de cette sorte de frayeur qui s’emparaient d’elles, mais la subissant… résignées.

— Nous voici en France, Tesse, chez nous bientôt… chez nous !…

— Oui, demain,… et Tesse soupira malgré elle, demain nous serons à Paris. Il fait froid, il fait sombre, ça sent la désolation…

— Paris doit être bien triste…

— Bien triste en effet…

— Ah ! cette petite gare le matin, c’est affreux !

Nhine toussait :

— Je gèle positivement, pas toi ?

— Moi ?…

Résolument, Altesse dit :

— Je me demande si ce sera bien, pour ta santé ce brusque retour en cette humidité, en ce Paris sans soleil. Tu tousses ! Il me vient une idée : Arcachon est tout près… Connais-tu Arcachon ?

Sur la réponse négative d’Annhine :

— Vite alors, télégraphions, nous allons continuer jusqu’à Bordeaux, puis de là nous bifurquerons.