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IDYLLE SAPHIQUE

en larmes, sur le banc placé devant son hôtel en attente de ce pardon qu’elle implorait, jamais elle n’avait pu vouloir la rappeler à elle. Puis, un matin on lui avait annoncé qu’elle était morte et Tesse s’était fait conduire au cimetière afin d’être bien sûre qu’elle était là… sous terre… Eh bien ! de même elle serait soulagée d’assister à l’ensevelissement certain de son bonheur. Peut-être trouverait-elle une lettre qui lui dirait que tout avait été rompu au dernier moment, qu’il ne pouvait vivre sans elle, elle ne savait quoi, au juste, mais elle retournait vers Paris avec une sorte d’idée lente et, angoissée, une presque certitude d’un bouleversement salutaire, l’éveil d’un songe douloureux qui vous laisse brisée sans doute, meurtrie, mais soulagée quand même de la sensation atroce qui vous étreint et vous oppresse.

Annhine fermait les yeux et s’abandonnait au charme qui la possédait. Elle s’en voulait d’avoir retardé les joies vers lesquelles elle roulait aujourd’hui. Elle se tordait à l’avance en songeant aux excès étranges auxquels elle voulait se livrer jusqu’à en mourir. En toute l’excitation de son repos propice au désir, elle voyait le regard de Flossie qui la pénétrait jusqu’au fond de l’âme, elle frémissait déjà en s’imaginant l’étreinte farouche de ses bras blancs, l’enlacement de tout son être au sien abandonné, livré. Elle se pâmait sous le baiser de ses lèvres, puis la voix douce de l’enfant lui murmurait des mots harmonieux, énervants et plaintifs, implorants et reconnaissants.