Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/213

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
203
IDYLLE SAPHIQUE

n’y put tenir et alors que Tesse était allée tenter sa veine aux jeux de Mont Estoril — c’était à deux heures de Lisbonne — elle écrivit à Flossie l’adieu suivant… Oui, elle voulait que ce fût un adieu, un irrévocable adieu de son âme en émoi, possédée, croyait-elle par celle de l’insinuante enfant. Se voulant seule, elle s’enferma après avoir envoyé Ernesta faire des courses, puis, se laissant aller au besoin de confidence qui la minait, elle fit cette confession :

« À toi qui fus ma douceur blonde, ma Flossie, à toi qui fus car tu devais être et qui cessas d’être car tu fus, inévitablement, selon la loi naturelle. Pauvres petits Prométhées que nous voudrions être, soumis brusquement, fatalement, implacablement ! Soumis !… et amenés ironiquement à désirer nous-mêmes notre esclavage humanitaire… où tout ce qui naît doit mourir !… même Toi et Moi, surtout Nous ! Tes cheveux seuls ne seront ni soumis ni esclaves, rebelles victorieux ! Ils seront toujours un clair rayon de Lune… appâlis dans un temps lointain mais encore plus morbides, lunatiques, jusque dans le tombeau.

« Je t’écris ces divagations en souvenir de tes cheveux et pour leur dire adieu. La Lune boudait hier, comme Toi, comme Moi, comme Nous !… invisible dans la nuit, mais il y avait beaucoup d’étoiles au ciel et des becs de gaz dans la campagne… petits stupides et imbéciles, sortes de clowns burlesques qui veulent ressembler aux astres lumineux… et de loin, par la myopie et le borné de notre idiote intelligence, beaucoup d’entre