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IDYLLE SAPHIQUE

les yeux clos, et elle gardait le lit pendant une longue suite de jours, molle, accablée, incapable de bouger. Parmi les gens qui l’entouraient, il était un homme qu’elle exécra de suite et de parti pris. Il se nommait José de Souza Mialho… elle ne pouvait le sentir ; dès qu’il arrivait en la foule de ses adorateurs, elle se prenait de rage, de colère et lui disait mille injures, il lui répondait mille impertinences et c’était une escarmouche sans fin. Une après-midi qu’Altesse rentrait de la promenade, elle trouva Nhine râlant dans les bras de cet homme. Il était venu alors qu’elle était seule. Dans sa poignée de main elle l’avait attiré sans dire un mot et elle s’était donnée à lui avec une sorte d’égarement. Pendant trois jours elle l’aima à la folie et ne consentit jamais à le revoir ensuite, sans rien vouloir expliquer à personne. Elle cherchait à se sauver, à se reprendre, à se remettre et n’y pouvait arriver. Son imagination déformait les moindres choses de sa vie, elle attachait de l’importance à la plus futile des misères, analysant tout, fouillant tout. Elle reçut une lettre de Flossie qui lui parvint après mille détours. Elle reconnut l’écriture large et un peu contournée ; sans la lire elle la détruisit, craignant un retour subit, un aimant subtil qui l’attirerait encore. Elle fut éperdue, frémissante, en fièvre…

Un jour, par un de ces temps tristes et mal éveillés, quand les nuages d’ouate et de lourd silence appesantissent le ciel de morbidesse et de languidité, elle