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IDYLLE SAPHIQUE

Oui, j’ai senti un trouble, un désir, une folie ! Je me pâmais sous son regard ! Il n’a cessé de me faire de l’œil… j’y ai pensé toute la journée ensuite. Ça doit être un gentilhomme, il avait de longues mains blanches, les attaches fines.

— Ma Nhine, je ne te reconnais plus.

— Moi non plus, je t’assure, je ne me reconnais plus moi-même ! — Elle s’enhardissait, sauta du lit et courut à travers la chambre pieds nus. — Mais je le veux, je le veux ! Je veux goûter à l’amour espagnol ! Viens, habille-toi, sortons ! — Elle sonna Ernesta. — Une chemisette, une jupe et Princesse, je sors par la ville. Faites mon lit tout blanc, tout beau. Des Valenciennes, des rubans bleus, des soies assorties, parfumées… Ça va être amusant, songe donc, Tesse, courir dans les rues à la recherche d’un amant désiré, inconnu, en fille, presqu’en pierreuse. Je n’y tiens plus !… Vite, viens avec moi ! Non ? tu ne veux pas ?… Sotte ! Personne ne nous connaît ici ! Bonjour alors, moi je file, c’est à croire que son regard m’a hypnotisée ! Tiens, je suis sûre qu’il m’attend là-bas, sous les arcades, devant les magasins… Mets-toi à la fenêtre au moins, tu me verras ! À tout à l’heure ! Qu’on fasse ma chambre bien jolie ! Je reviens… ou plutôt, nous revenons bientôt !

Elle s’élança dehors, jetant la porte qui claqua fort. Altesse passa un peignoir et se mit au balcon, elle aperçut Annhine en dessous qui sortait de l’hô-