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IDYLLE SAPHIQUE

s’éveilla, elle trouva Nhine assise au milieu de sa couche, étonnée, inquiète.

— Dis donc, que s’est-il passé ?… J’ai une vague idée, je me sens si bien ce matin ! Qu’est-ce que j’ai eu, Tesse chérie ?… Une attaque de nerfs, pas ? C’est ridicule, et tu m’as bien soignée, mon bon ange, tu as dormi là, près de moi, c’est gentil, viens que je t’embrasse… viens !…

Elle mit ses bras autour du cou de son amie et se suspendit presque frénétiquement à ses lèvres, se serrant avec force contre son épaule, l’embrassant fiévreusement, violemment :

— Tu ne sais pas ?… elle lui chuchotait à l’oreille… je suis trop sage, je crois, il y a longtemps que je suis sage. Je rêve la nuit, tu comprends ? Oui, tout éveillée je fais aussi des songes… il faudra que je m’apaise. Écoute : tu sais bien hier matin au restaurant, j’ai vu quelqu’un qui me plaît, oh ! une beauté !

— Comment ? fit Altesse interloquée, Nhine, que me dis-tu là ?

Elle s’assit, attentive, sur le bord du lit. Un peu décontenancée, Annhine prit ses mains et continua :

— Oui, j’ai vu un beau garçon, tu sais, Tesse, un de ces Espagnols au teint mat, aux yeux de velours, avec une bouche qu’on a envie de mordre, découvrant des dents !… des merveilles ! Il était très chic, je t’assure — elle n’osait pas lever son regard et croisait ses doigts tremblants aux doigts d’Altesse —