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IDYLLE SAPHIQUE

— Folle ! interrompit Tesse, donne-la moi alors ! Le papier est joli, d’un gris-perle délicat, une nuance éteinte comme la couleur de tes pensées d’aujourd’hui, il semble élégant et bienveillant à la fois. Donne…

— Tu veux ?… Eh bien voici…

Et la capricieuse enfant déchira l’enveloppe et se mit à lire à haute voix :

« Pour Annhine de Lys…
le rêve de mon cœur ».

« Si tu n’es pas lasse
De l’amour qui passe
Et qu’un rêve chasse,
Reçois-moi ce soir ! »

— C’est signé : Une étrangère, hélas ! et qui voudrait ne plus te l’être.

Elle éclata de rire.

— C’est bizarre… quelle bonne blague… au feu !

— Non, Annhine… c’est vrai ? Montre ?

— Tiens, voilà.

— Et qui a apporté la chose, Ernesta ?

— Madame, la personne est dans l’anti-chambre. C’est une jolie jeune fille, très blonde, fraîche, toute rouge, elle a l’air d’être un peu émue, elle a refusé d’entrer au salon. Elle dit qu’elle attend seulement un « oui » ou un « non » de Madame. Je crois bien que c’est une Anglaise.

— Dis, Tesse, ça me paraît drôle ? Recevons-la pour nous distraire.