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IDYLLE SAPHIQUE

lités éphémères et atteintes dans votre solitude à deux… Allez !…

Et il les guidait vers la porte. Ils allaient sortir du tumulte et de la bruyante cohue, lorsque tout à coup, surgissant d’un coin d’ombre, imprévue, soudaine, l’Espagnole bondit vers le groupe fuyant :

— Non, c’est trop fort !… cria-t-elle en se plaçant devant pour leur barrer le passage… Je souffre comme une damnée, je vous ai suivies dans ce bal joyeux, ainsi qu’une misérable folle, mangeant ma rage, mordant mes poings… Vingt fois j’ai failli sauter sur vous, en désir de vous anéantir et de vous clouer là, inertes, devant moi !…

Dalsace voulut l’écarter, intervenir.

— Ah ! si vous comprenez tout, monsieur, continua-t-elle, vous comprendrez mon mal. Laissez-moi achever !… Je ne veux pas troubler longtemps ces deux élues d’un bonheur infernal et céleste. Non ! mais…

Elle arracha brusquement son masque tandis que Flossie et Annhine, effarées, reculaient se serrant étroitement l’une contre l’autre, muettes et hagardes.

La pauvre créature était splendide dans sa douleur :

— Ce que je veux ?… Je veux que dans vos baisers et vos spasmes et partout et toujours et après encore, vous me trouviez, moi, moi dont vous avez ri !… Moi que vous aurez tuée par vos mensonges et vos dédains !… Oui, toi tu m’as menti, tu as ri de mon mal de bête