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IDYLLE SAPHIQUE

qu’à l’autre une grenouille énorme, effrayante, constellée d’aigues marines, d’émeraudes et de béryls, semblait vivante et prête à s’élancer dans la foule. Des animaux de légende se montraient tout autour de ce costume fantastique.

— Que représentes-tu ce soir ?

— Lumière d’Asie, répondit-il avec emphase, Lumière d’Asie éclairant la Jungle ! Ne reconnais-tu pas ce turban armé d’un croissant et de gemmes brillantes ?

Et il s’avança vers Annhine :

— Dansons, veux-tu ?

— À nous trois alors, car on ne se quitte pas, nous deux !

D’un geste enlaceur, il les emporta à l’autre extrémité de la salle.

— Arrête ! supplia Nhine… tu me fais tourner le cœur, marchons plutôt.

Il les suivait.

— C’est Jack Dalsace, tu sais, le poète des sirènes, des fées, des femmes longues et frêles et des bêtes hideuses et symboliques, l’écrivain morbide et sarcastique, mon ami.

— Je le connais, fit Florence qui considérait avec une sorte d’admiration inquisitrice ce grand garçon superbement bâti, au regard de lumière, au front tourmenté par la maladive et sublime inspiration. Ses longues mains fines étaient chargées de lourdes et étranges bagues, d’anneaux bizarres où se mouraient des chatoiements de perles opaques, bleutées, verdâ-