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IDYLLE SAPHIQUE

d’autres s’arrêtaient devant la porte d’entrée. Il leur fallut attendre. La foule était compacte, accourue là pour voir entrer les invités et afin de pouvoir admirer les toilettes au passage.

— Sont-ils gentils ces deux petits !… cria-t on, tandis qu’elles traversaient enfin sous la marquise rayée de rouge.

— Tu entends, Floss, on nous trouve gentils.

— C’est déjà çà !… Ne me quitte pas, ma Nhine, il y a un monde fou.

— Donne-moi la main. C’est de l’époque, d’ailleurs.

Elles pénétraient dans le premier salon transformé en vestiaire et y enlevèrent leurs manteaux. Des gens retiraient leur loup, d’autres le gardaient.

— Le mien m’étouffe, fit Nhine, je l’ôte.

— Moi, je ne puis, dit Florence, je suis obligée de le conserver en hypocrite obligation.

Dans un coin, une Espagnole, masquée, de tournure sémillante et qui étincelait sous le feu des bariolages pailletés de son costume, observait avec attention les personnes qui arrivaient, guettant, cachée par un tas de manteaux et de défroques amoncelés… ses yeux brillaient à travers le velours. Lorsqu’Annhine se découvrit le visage, elle eut un mouvement en avant et faillit s’élancer. Elle se contint rapidement :

— Non, c’est mieux, murmura-t-elle, je vais les suivre… ce sera amusant… ou pire peut-être !