Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/165

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
155
IDYLLE SAPHIQUE

— Oh ! Adalbert !… de grâce… vous perdez donc complètement la tête, mon cher aimé. Regardez !… — et elle rougissait exquisément, en me montrant quelque chose de blanc, de fin, de mignon, qui dépassait, là, au bord de mon siège, à l’endroit où se fermait ma culotte de satin : — Mais c’est votre chemise !… Vous n’avez pas bien boutonné votre pont, disait-elle, en cherchant à cacher son joli visage sous son éventail, afin de ne pas rire ni laisser voir son trouble, ah ! j’en mourrai de confusion !

Je perdis contenance et jetai à la hâte mon tricorne empanaché sur le fâcheux objet de l’accident. — Causez toujours, parlez, mais parlez donc ! — continuait-elle en m’écrasant le pied de son petit talon dont le rouge n’égalait pas encore l’envahissant rayon d’embarras et de gêne qui l’éclairait à ce moment. Et je parlai… je m’évertuai en propos précipités et incompréhensifs, sans m’arrêter, profitant vivement d’un geste à faire, d’un signe de main quelconque pour rentrer peu à peu le malencontreux pan dans son endroit privé, tout en essayant de ne pas attirer l’attention. — Ah ! vous me faites honte, tenez ! — Et, superbement inhumaine, elle s’éloigna, me laissant à ma peine et à ma ridicule situation. — Votre bras, duc, dit-elle à Grandlieu. Résolu malgré tout à la lui disputer, je me levai précipitamment, profitant de l’occasion pour enfoncer la plus grande partie de mon fâcheux désastre. Il n’en restait plus guère, un simple petit bout, perceptible seulement pour un initié au