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IDYLLE SAPHIQUE

ment, rassemblés à leurs pieds, ainsi qu’il convenait, conversant au gré de leurs caprices très variables, hélas ! supportant leurs moues et bouderies, ou riant de leurs joyeusetés… devisant d’amour et implorant de prochains rendez-vous ! Ma Sylvie eut alors une inspiration diabolique !… Voyez-vous, l’abbé, une femme qui aime est capable de tout… de tout ! et l’idée de celle-ci fut infernale et féminine à l’excès. Tandis que nous étions tous réunis, par un soir où il devait y avoir grand bal, — c’est vous dire si nous étions en tenue de gala — elle s’assit tout naturellement auprès de sa rivale, je m’approchai et sollicitai l’honneur d’un tabouret près d’elle : Volontiers ! me dit-elle avec son plus charmant sourire. Jamais elle ne me fut aussi courtoise ni ne me parut plus adorablement désirable dans ses falbalas de pékin blanc attachés de nœuds roses. Ah ! il me semble la voir encore, l’abbé !… Des guirlandes d’églantines couraient tout autour de sa considération large au moins de trois aunes et fleurissaient les paniers relevés avec art sur sa taille incroyablement mince, un collier de perles enserrait son cou long et flexible… des feuillages d’émeraudes brillaient sur la touffe neigeuse de ses cheveux poudrés. Avec un geste charmant, elle me désigna ma place sur un siège très bas qui se trouvait à son côté. Tandis que je m’asseyais, elle eut un mouvement que je ne saurais décrire et se penchant vers moi me dit, en me jetant un de ces regards qui savaient si bien me rendre fou.