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IDYLLE SAPHIQUE

le reste. Je sens que je t’aime moi aussi, rien ne nous séparera. Ah ! ne parlons plus de tout cela.

Elle l’éloigna d’elle et lui dit encore :

— Je me demande, Flossie, comment tu pourras jamais désirer un corps ainsi souillé, ainsi sali de tant de dégradants contacts… et c’est toute ma vie !… Ah ! prends donc de moi ce que j’ai de meilleur, ce que nul n’a atteint : mon âme… je te la donne…

Elle lui baisa la bouche, longuement.

— Adorée, adorée !… ah ! tu me rendras folle, répondait Flossie éperdue. Oui, je ne veux que ton âme. Ton enveloppe me sera chère, mais sacrée, jusqu’au jour où toi-même…

— Ça, jamais !… Je te le jure ! Trop souillée, trop salie, l’amour me fait horreur ! Ah ! comprends-moi donc : après tout ce que j’ai subi !…

— Je t’aime et je souffre de te comprendre. Je serai ton esclave et t’attendrai toute ma vie…

— Si tu savais, si tu savais, continuait Annhine. Je suis toute troublée ces jours-ci. Figure-toi qu’hier soir je me suis brouillée avec Altesse, avec mon amant. Ils ne m’ont rien fait dire aujourd’hui. Tout le monde m’en veut. On m’abandonne. Je n’ai plus que toi, Flossie, aime-moi bien, mais bien…

— Ah ! de toute mon âme et pour l’éternité.

On frappa à la porte. C’était la femme de chambre :