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IDYLLE SAPHIQUE

— Voilà, lui cria-t-elle.

Fière de sa beauté, elle jeta sa chemise au milieu de la pièce en un geste de rage… et resta debout, radieuse en sa gracile nudité, parfaite d’androgynéité : les jambes minces et sveltes, le torse cambré, les seins petits et durs, belle comme une statue de jeune dieu, blanche ainsi qu’une neige qui serait imperceptiblement rosée, le cou rond supportant la joliesse de sa tête fine et bouclée. Il reculait et la contemplait avec une sorte d’ivresse fauve :

— Couchez-vous !

Elle se coucha, étonnée, croyant rêver. Il se précipita hors de la pièce. Elle attendit, se soulevant sur un coude, vaguement inquiète… quelques minutes se passèrent. Puis, la porte se rouvrit ; il n’était plus seul… derrière lui, une forme féminine… Mais… oui !… Ah ! ah ! c’était trop fort !

Elle bondit hors du lit et allait fuir en appelant à l’aide. Un sanglot l’arrêta.

— Nhine ! appelait-on.

Quoi ! cette femme, c’était ?… Mais oui, c’était bien elle, c’était Flossie !… Quoi donc — elle ne comprenait plus — elle ne voyait plus clair ! Flossie ?… Ici ? Pour la prendre ? Pour l’avoir… ainsi !… comme la dernière des filles ! Quelle honte !… Pourquoi ? Pourquoi ?

Elle s’abattit sur le rebord du lit et attendit, rigide, elle ne savait trop quoi, s’efforçant pour ne pas pleurer.

Flossie, pétrifiée, se tenait au milieu de la chambre.