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IDYLLE SAPHIQUE

Et, résolue, elle dégrafait son corsage. Le regard de l’étranger eut un rayonnement de joie.

Allons, il se dégèle !… Dieu, que c’est embêtant tout ça !

Elle enleva son chapeau… En défaisant le voile de dentelles elle s’embrouilla.

— Aidez-moi donc, demanda-t-elle.

Il vint tout près. Ses mains tremblaient, inhabiles. C’est bien ça !… il est encore plus troublé que moi… et c’est sa raideur native qui le rend si insupportablement grossier… Allons, il s’agit de faire vite !… Petite courtisane, ma mie, ris aux beaux billets bleus et souris au généreux amant de passage, sois propice à sa bestialité, et mets-toi bien dans la tête que tu es là pour ça.

Son jupon tombait. Elle apparut en chemise et se dirigea vers l’alcôve.

C’est pas trop mal ici — la vieille avait raison — propre, de jolis draps et une chambre blanche avec des rideaux bleus,… ma couleur !

Elle se composait un visage, un raisonnement et fredonnait intérieurement l’air de la chanson de Barbe-Bleue :« Et prenons les choses, mais par leur bon côté ! »

— Nue, commanda-t-il… toute nue !

Elle se redressa, un éclair fulgura dans son regard, puis elle obéit, passive…

C’est trop fort ! Non, mais c’est un fou bien sûr pour oser me parler ainsi !