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IDYLLE SAPHIQUE

bile et pensif. Elle toussa. Il se retourna d’un coup. Où donc avait-elle déjà vu cette tête-là. Il s’avançait vers elle, pâle et tremblant, sans prononcer un mot.

— Monsieur…

— Madame…

Ils étaient gênés tous deux, évidemment mal à l’aise.

Voulant rompre la glace, Annhine dit :

— Alors, on avait tant envie de me voir ?…

Et lui :

— Ah ! oui !…

Il soupira, son œil s’éclaira, il eut un rire crispant tandis qu’une flamme allumait son visage… l’émotion, sans doute. Elle lui sourit gentiment. Il l’examinait toute, sournoisement, à la dérobée.

Quelle scie ! pensait-elle, il m’assomme, cet homme là, je donnerais bien quelque chose pour m’en aller.

Ce silence lui pesait :

— Alors, j’ai bien voulu venir… Que voulez-vous de moi, fit-elle à tout hasard.

— Déshabillez-vous ! ordonna-t-il froidement.

Son sang ne fit qu’un tour ! Elle eut une pensée de révolte, l’envie de fuir en lui jetant son argent à la face… Il a raison, au fond, cet homme, réfléchit-elle. La femme qu’on paie n’a qu’à s’exécuter. Suis-je donc bête de chercher des formes dans une brute qui a eu recours à de tels moyens pour m’approcher… Ah ! ce flegme ! Il est bien Anglais, celui-là !… Au fond je dois m’en moquer. Idiote, va, tu ne seras donc jamais une bonne putain !