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IDYLLE SAPHIQUE

— Ma foi, qu’est-ce que tu risques ?… Est-il joli garçon ?

— Un amour !… avec de grands yeux bleus… mais il était ému ! Il en tremblait !… Il bafouillait un peu aussi… mais il parlait cependant un bon français… tout jeune, une trentaine d’années, pas plus !… Madame ne s’embêterait pas, pour sûr… à moins que l’émotion… dame !… ça se voit souvent cet effet-là ! Il attendait la réponse chez elle, rue Tronchet.

Nhine hésitait encore :

— Vous êtes bien sûre que c’est un étranger… et pas un guet-apens de mon ami, par exemple !

L’autre se récria :

— Un guet-apens ! ah ! non ! bien sûr !… Sa maison était connue pour une honnête maison, elle ne mangeait pas de ce pain-là ! Entremetteuse, maquerelle, oui ! mais pas Judas ! Ah ! non !… Pour ça, Madame pouvait être tranquille. C’était bien un Anglais. Si Madame se méfiait, elle aimait mieux y renoncer. Se prêter à une infamie pareille ! Ah ! certes !…

Elle s’animait, parlant haut.

— Chut, lui dit Annhine… Alors je puis avoir la certitude des vingt-cinq mille francs et de toute discrétion ?

— Absolument, Madame…

Rassérénée, elle baissait la voix… Si Madame veut, la femme de chambre peut venir avec moi jusqu’à la maison, elle verra le Monsieur, et se rendra compte par elle-même.