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IDYLLE SAPHIQUE

secouait… Tu serais autre, je te dirais : eh bien, essaie un peu… une fois… Donne-toi ce plaisir pervers, si je savais que tu en ries ensuite, mais telle que je te connais, nerveuse, tendre, avec tes imaginations ardentes et cérébrales, je te dis : Non, Nhine, fais attention, ce serait ta perte… Et puis, Henri qui te donne tout et qui te garde si jalousement, Henri serait furieux. Il te quitterait sur l’heure et comment ferais-tu ? Tu as encore besoin de lui. Réfléchis bien à tout cela, chérie !

Nhinon rêvait toujours. Les mots sages de Tesse l’oppressaient. Elle ne voulait plus les entendre… ses yeux fixaient le mur… elle préférait le son caresseur de la voix de Flossie, elle songeait à la félinité de ses regards et de ses moindres gestes.

— Déjà tu es toute changée, continuait Tesse. Écoute-moi, ma chérie, jamais je ne t’ai donné un mauvais conseil, tu sais quelle sincère affection je te porte, balaie-moi tout cela bien vite… nous ferons un voyage, si tu veux, avec Henri — Nhine eut un geste brusque — eh bien, sans Henri, avec mon vieux Georges qui a un tel culte pour toi. Sais-tu bien que je devrais en être jalouse ? Je lui parlerai… pour l’amour de ta Joliesse il quittera sans hésiter son boulevard et ses collections, ses vieux amis et leurs parties de whist afin de nous accompagner où notre fantaisie nous mènera. Veux-tu ? C’est fait de suite et je me charge d’enlever la chose auprès