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IDYLLE SAPHIQUE

Tesse riait. Ah ! Nhinon ! tu ne sais pas bien mentir ! Voyons.

— Non ? eh bien, tiens ! je vais tout t’avouer… tu ne me gronderas pas ?…

Et heureuse de pouvoir donner libre cours à ses pensées débordantes et qui l’absorbaient toute intérieurement, Nhine vint s’asseoir sur un pouf très bas, auprès d’Altesse. Elle lui dit tout : ses résistances, l’attrait qui la poussait invinciblement vers Flossie, sa visite à Montmartre, leur course folle à travers la campagne sous la pluie… comment elle avait trouvé ces bijoux posés sur elle.

— Ça, interrompit Tesse, ce n’est pas le plus mal, mais il ne faudrait pas que l’on fatiguât ma Nhine si fraîche, si délicatement tendre… Je veux bien que l’on t’amuse, que l’on t’encense, que l’on t’adore, que l’on te couvre de bijoux, que l’on te comble de cadeaux, mais je crains, vois-tu, Nhinon, que la contagion de ce vice ne t’atteigne en plein cœur, toi, si sensitive et si profondément impressionnable. Tu serais fichue, pardonne-moi le mot. Tu te refuses, mais tu y penses ensuite, dans la solitude de tes nuits, et cela t’énerve… oh ! à ton insu… ta tête travaille… La pente est glissante et douce, ainsi que les mots et les caresses de Miss Florence. Que le diable l’emporte, encore, celle-là, elle avait bien besoin de venir à toi ! Vois, elle a vingt ans à peine, mais en la regardant bien et de près tu lui trouveras la figure striée de mille imperceptibles rides ! Je