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IDYLLE SAPHIQUE

moine avec un capuchon et une cordelière ; pas de rubans ni de dentelles !… Assez de toutes ces fanfreluches qui m’oppressent ! Aujourd’hui, je veux me réduire à ma plus simple expression. Ah ! Tesse, Tesse, que je suis lasse de vivre ! Que je m’ennuie !… Vois-tu, ce soir, ça déborde !… Ah !… à toutes ces distractions parisiennes que l’Europe nous envie, comme je préfère dix mille fois ma solitude ici, avec toi et mon chien, ma jolie Princesse !… Princesse, venez ici ! Est-elle jolie ! Allons, vite, une baise… un baiser à sa maman ! Allez maintenant, mon petit cœur gauche, comme dit Maindron dans Saint-Cendre… As-tu lu ça, Tesse ?… C’est charmant… Tout est prêt ?… Bon… je vais me déshabiller. Que ça va être chic, Tesse, ma chérie, de se trouver seules, entre quatre-z-yeux et de pouvoir bavarder bien à son aise en dînant, les coudes sur la table, sans corset et surtout sans gêneurs !… Cette vie à nous est si stupide et si bête ! Elle ne nous apporte aucune satisfaction d’âme ou d’esprit et, la plupart du temps, ne nous offre qu’une matérialité déconcertante ou tuante ! Je t’assure, ma Tesse, que si je n’avais, heureusement et à un très haut point, à l’exagération même, ce sentiment de coquetterie qui distingue les vraies femmes des autres, je ne pourrais pas la supporter. Vois-tu, lorsque je rentre en moi-même, dans l’isolement et le silence, à ces rares moments où le tourbillon me laisse un peu de répit, quel vide !… Quelle banalité ! Quel écœurement