Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/111

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
101
IDYLLE SAPHIQUE

était marié, père de famille, à la tête d’une grande maison de banque ; son train de vie était presque princier mais obligatoire, hélas !… Il fallait qu’elle comprît un peu cela… qu’elle devînt un peu plus raisonnable… Il l’adorait, c’était avec joie qu’il lui faisait plaisir, mais il dépassait ses moyens. Il avait calculé : en ces trois années près de quatre millions avaient fondu entre les petites mains fines de sa petite femme chérie… elle était intelligente, elle saisirait son raisonnement, n’est-ce pas ? restreindrait ses désirs… diminuerait son train… oh !… insensiblement, il ne lui demandait que de l’ordre… Et ses toilettes… Ah ! mon Dieu, quel gaspillage ! Il fallait bien mettre un peu de plomb dans cette jolie tête-là !…

Et comme Annhine l’écoutait, boudeuse, sans l’interrompre par aucune saillie contre son habitude : Allons, pour cette fois-ci il céderait encore, elle avait tellement envie de ces bijoux, elle les aurait. Il regarda sa montre : avant midi il passerait rue Thérèse et les lui ferait immédiatement envoyer… Avec des fleurs, se hâta-t-il d’ajouter… puis une grande boîte de bonbons de chez Boissier, car il la connaissait très enfant et sensible à toutes les plus petites choses. Elle était sa gâtée… sa chère petite à lui. Il se pencha vers elle pour la saisir et l’embrasser. Elle résista un peu, puis le fixant au travers de ses longs cils, elle lui dit d’un air ironique et moqueur :