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IDYLLE SAPHIQUE

mes défripés, bien en ordre, ce sera mieux. Je te laisse.

Et elle disparut, tandis qu’on apportait le premier déjeuner d’Annhine.

À la porte, elle se heurta contre un homme qui allait sonner. Elle devint blême et eut un mouvement nerveux. Elle se retourna violemment ; il entrait en maître sans se faire annoncer. C’était un grand brun, plutôt bien, les yeux profonds, la moustache fine. L’amant d’Annhine, sans doute, elle le reconnaissait maintenant. Il lui semblait avoir aperçu une telle figure dans des photographies qui traînaient sur les meubles. C’était lui !… Ah ! elle crut qu’elle allait tomber. Une envie de revenir sur ses pas la saisit… elle se contint… pensa à l’avenir, au but sublime qu’elle voulait atteindre, au devoir qu’elle s’était tracé. Elle poursuivit son chemin, attristée, mais résolue, en murmurant seulement ces simples mots :

— Quel dommage ! Je verrai donc toujours mon trésor briller au travers de la boue !

Déjà elle se trouvait dans la rue. Elle soupira, puis appela un fiacre et s’en fut sans se retourner, ayant peur… peur d’apercevoir leurs ombres derrière le mystère des fenêtres voilées. Elle jeta au cocher l’adresse de Lachaume. Au coin de la rue elle aperçut une forme qui s’effaçait très vite ; elle se pencha et reconnut Jane, la délaissée, qui semblait guetter devant l’hôtel d’Annhine. Sa pensée n’y attacha au-