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IDYLLE SAPHIQUE

celer… pour miroir un lac clair, pour jardin le monde entier, où tout sera en fête d’un printemps perpétuel… pour unique amour, une âme qui comprendra la tienne… pour la concentration de toute beauté : Toi-même !

Emportée par le sens mystique de ses folles paroles, Flossie avait saisi Annhine dans ses bras, elle la couvrait toute de son corps… l’odeur de sa peau acheva de la griser, elle l’embrassait avec frénésie ; tremblante de toute elle-même, on entendait les battements précipités de son cœur. Elle lui baisa la bouche avec une telle passion que ce fut ainsi qu’une morsure ; leurs dents s’entrechoquèrent et le sang vint. Alors elle perdit complètement la tête, et ce fut avec égarement qu’elle découvrit le corps de sa Bien-Aimée, jetant les draps loin d’elle, arrachant le frêle voile de linon et se précipitant avec violence vers de nouveaux et affolants bonheurs, en un râle d’extase.

— Flossie, c’est mal, je ne veux pas… et Nhine se débattait.

— Je le veux… hurlait-elle… je te veux !

— Non ! Ah ! c’est mal !… Il est vrai que tu m’as payée, je ne dois pas me refuser… et passive, ne luttant plus, Nhine prononça les froides paroles…

Flossie se jeta en arrière… hors d’elle et les yeux fous…

— Ah ! que c’est mal !… Que c’est mal ! Que tu me fais souffrir ! Tu profanes tout, Annhine ! Cruelle !