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Ces critiques seraient fondées s’il y avait de la part des ouvriers volonté systématique de détérioration, sans préoccupation de but. Or, ce n’est pas le cas ! Si les travailleurs s’attaquent aux machines c’est, non par plaisir ou dilettantisme, mais parce qu’une impérieuse nécessité les y oblige.

Il ne faut pas oublier qu’une question de vie ou de mort se pose pour eux : s’ils n’immobilisent pas les machines, ils vont à la défaite, à l’échec de leurs espérances ; s’ils les sabotent, ils ont de grandes chances de succès, mais par contre, ils encourent la réprobation bourgeoise et sont accablés d’épithètes malsonnantes.

Étant donné les intérêts en jeu, il est compréhensible qu’ils affrontent ces anathèmes d’un cœur léger et que la crainte d’être honnis par les capitalistes et leur valetaille ne les fasse pas renoncer aux chances de victoire que leur réserve une ingénieuse et audacieuse initiative.

Ils sont dans une situation identique à celle d’une armée qui, acculée à la retraite, se résout à regret à la destruction des armements et des approvisionnements qui gêneraient sa marche et risqueraient de tomber au pouvoir de l’ennemi. En ce cas, cette destruction est légitime, tandis qu’en toute autre circonstance elle serait folie.

En conséquence, il n’y a pas plus raison de blâmer les ouvriers qui, pour assurer leur triomphe recourent au sabotage, qu’il n’y a lieu de blâmer l’armée qui, pour se sauver elle-même, sacrifie ses impedimenta.

Nous pouvons donc conclure qu’il en est du sabotage, ainsi que de toutes les tactiques et de toutes les armes : la justification de leur emploi découle des nécessités et du but poursuivi.