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par le syndicat des Cuisiniers, en dit plus long sur ce sujet que bien des commentaires :

Le 1er juin dernier, un chef cuisinier, arrivé du matin même dans un restaurant populaire, constatait que la viande qui lui était confiée s’était tellement avariée, que la servir eut été un danger pour les consommateurs ; il en fit part au patron qui exigea qu’elle soit quand même servie ; l’ouvrier, révolté de la besogne qu’on voulait de lui, refusa de se faire complice de l’empoisonnement de la clientèle.

Le patron, furieux, de cette indiscrète loyauté, se vengea en le congédiant et en le signalant au syndicat patronal des restaurants populaires La Parisienne, afin de l’empêcher de se replacer.

Jusqu’ici, l’incident révèle seulement un acte individuel et ignoble du patron et un acte de conscience d’un ouvrier ; mais la suite de l’affaire révèle, comme on va le voir, une solidarité patronale tellement scandaleuse et dangereuse, que nous nous croyons obligés de la dénoncer :

Quand l’ouvrier s’est représenté à l’office de placement du syndicat patronal, le préposé à cet office lui déclara : qu’à lui, ouvrier, ça ne le regardait pas si les denrées étaient ou non avariées, que ce n’était pas lui qui était responsable ; que du moment qu’on le payait il n’avait qu’à obéir, que son acte était inadmissible et que désormais il n’avait plus à compter sur leur service de placement pour avoir du travail.

Crever de faim ou se faire au besoin complice d’empoisonnement, voilà le dilemme posé aux ouvriers par ce syndicat patronal.

D’autre part, ce langage établit bien nettement que, loin de réprouver la vente des denrées avariées, ce syndicat couvre et défend ces actes et poursuit de sa haine les empêcheurs d’empoisonner tranquillement !

Il n’est sûrement pas un spécimen unique dans Paris, ce restaurateur sans scrupules qui sert de la viande pourrie à sa clientèle. Cependant, rares