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portent à donner le plein de leur effort, physique et intellectuel à un patron, en dépit de conditions dérisoires, infimes ou odieuses que celui-ci leur impose ?

En quoi, d’autre part, la « valeur technique » de ces problématiques ouvriers sera-t-elle mise en péril, parce que, le jour où ils s’apercevront de l’exploitation éhontée dont ils sont victimes, ils tenteront de s’y soustraire et, tout d’abord, ne consentiront plus à soumettre leurs muscles et leurs cerveaux à une fatigue indéfinie, pour le seul profit du patron ?

Pourquoi ces ouvriers gaspilleraient-ils cette « valeur technique » qui constitue leur « vraie richesse » — au dire de Jaurès — et pourquoi en feraient-ils presque gratuitement cadeau au capitaliste ?

N’est-il pas plus logique qu’au lieu de se sacrifier, en agneaux bêlants sur l’autel du patronat, ils se défendent, luttent, et estimant au plus haut prix possible leur « valeur technique » ils ne cèdent tout ou partie de cette « vraie richesse » qu’aux conditions les meilleures, ou les moins mauvaises ?

À ces interrogations l’orateur socialiste n’apporte pas de réponse, n’ayant pas approfondi la question. Il s’est borné à des affirmations d’ordre sentimental, inspirées de la morale des exploiteurs et qui ne sont que le remâchage des arguties des économistes reprochant aux ouvriers français leurs exigences et leurs grèves, les accusant de mettre l’industrie nationale en péril.

Le raisonnement du citoyen Jaurès est, en effet, du même ordre, avec cette différence qu’au lieu de faire vibrer la corde patriotique, c’est le point d’honneur, la vanité, la gloriole du prolétaire qu’il a tâché d’exalter, de surexciter.