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et employeurs prennent contact, se révèle cet antagonisme irréductible qui les jette aux deux pôles opposés et qui, par conséquent, rend toujours instables et éphémères leurs accords.

Entre les uns et les autres, en effet, il ne peut jamais se conclure un contrat au sens précis et équitable du terme. Un contrat implique l’égalité des contractants, leur pleine liberté d’action et, de plus, une de ses caractéristiques est de présenter pour tous ses signataires un intérêt réel et personnel, dans le présent aussi bien que dans l’avenir.

Or, lorsqu’un ouvrier offre ses bras à un patron, les deux « contractants » sont loin d’être sur le pied d’égalité. L’ouvrier obsédé par l’urgence d’assurer son lendemain, — si même il n’est pas tenaillé par la faim, — n’a pas la sereine liberté d’action dont jouit son embaucheur. En outre, le bénéfice qu’il retire de son louage de travail n’est que momentané, car s’il y trouve la vie immédiate, il n’est pas rare que le risque de la besogne à laquelle il est astreint ne mette sa santé, son avenir en péril.

Donc, entre patrons et ouvriers, il ne peut se conclure d’engagements qui méritent le qualificatif de contrats. Ce qu’on est convenu de désigner sous le nom de contrat du travail n’a pas les caractères spécifiques et bilatéraux du contrat ; c’est, au sens strict, un contrat unilatéral, favorable seulement à l’un des contractants, — un contrat léonin.

Il découle de ces constatations que, sur le marché du travail, il n’y a, face à face, que des belligérants en permanent conflit ; par conséquent, toutes les relations, tous les accords des uns et des autres ne peuvent être que précaires, car ils sont