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« Entente des travailleurs entre eux, action directe sur le patronat, pression sur le législateur pour l’obliger, quand son intervention est nécessaire, à s’occuper des ouvriers…

« …Nous savons — disent les syndiqués — que les mœurs précèdent la loi, et nous voulons créer les mœurs par avance afin que la loi s’applique plus aisément si on nous la donne ou pour qu’on soit obligé de la voter si on nous fait trop attendre ! » Car ils veulent aussi — ils ne le dissimulent pas — forcer à l’occasion la main du législateur.

« Nous, législateurs, n’avons-nous jamais besoin que l’on nous force la main ? Nous occupons-nous toujours spontanément des maux et des abus ? N’est-il pas utile que ceux qui souffrent de ces maux, qui sont lésés par ces abus protestent et s’agitent pour attirer l’attention sur eux et imposent même le remède ou la réforme qui sont devenus nécessaires ?

« Voilà pourquoi, Messieurs, on aurait tort d’essayer de vous indisposer contre ces hommes qui prêchent l’action directe : s’ils essaient de se passer la plus possible de députés, ne leur en sachez pas mauvais gré…

« Il y en a suffisamment qui ne se passent pas assez de vous pour que vous soyez satisfaits de voir des ouvriers tâcher de grouper leur classe syndicalement, en organisations économiques, et faire le plus possible leur besogne eux-mêmes…


C’est Vandervelde écrivant dans le Peuple de Bruxelles :


« …Pour arracher au capitalisme un os dans lequel il y ait quelque moelle, point ne suffit que la classe ouvrière donne mandat à ses représentants de lutter en son lieu et place.

« Nous le lui avons dit maintes fois, mais nous ne saurions le lui dire assez, et c’est la grande part de vérité qui se trouve dans la théorie de l’action directe, on n’obtient pas de réformes sérieuses par personnes interposées…

« Or, s’il est permis de faire un reproche à cette classe ouvrière belge qui, laissée par ses exploiteurs et ses maîtres dans l’ignorance et la misère, a donné, depuis vingt ans, tant de preuves de vaillance et d’esprit de sacrifice, c’est, peut-être, d’avoir trop compté sur l’action politique et sur l’action coopérative, qui exigeaient le moindre effort  ; c’est de n’avoir pas assez fait pour l’action syndicale ; c’est d’avoir un peu trop cédé à cette illusion dangereuse que, le jour où elle aurait des mandataires à la Chambre, les réformes lui tomberaient comme des alouettes rôties dans la bouche… »


Ainsi, de l’avis des hommes cités ci-dessus — et aussi de notre avis à nous — l’Action directe développe le sentiment de la personnalité humaine, en même temps que l’esprit d’initiative. En opposition à la veulerie démocratique, qui se satisfait de moutonniers et de suiveurs, elle secoue la torpeur des individus et les élève à la conscience.