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Or, si on compare les méthodes en usage dans les groupements et formations démocratiques, on constate qu’elles n’ont rien de commun avec cette constante tendance à davantage de conscience, non plus qu’avec cette adaptation à l’action qui est l’atmosphère des groupements économiques. Et il n’y a pas à supposer que les méthodes en vigueur dans ceux-ci puissent se transvaser dans ceux-là. Ailleurs que sur le terrain économique, l’Action Directe est une formule vide de sens, car elle est contradictoire avec le fonctionnement des agrégats démocratiques dont le mécanisme obligé est le système représentatif qui implique, à la base, l’inaction des individus. Il s’agit de faire confiance aux représentants ! De s’en rapporter à eux ! De compter sur eux ! De les laisser agir !

Le caractère d’action autonome et personnelle de la classe ouvrière, que synthétise l’Action Directe, est précisé et accentué par sa manifestation sur le plan économique, où toutes les équivoques s’effritent, où il ne peut y avoir de malentendus, où tout effort est utile. Sur ce plan se dissocient les combinaisons artificielles du démocratisme qui amalgament des individus dont les intérêts sociaux sont antagoniques. Ici, l’ennemi est visible. L’exploiteur, l’oppresseur ne peuvent espérer se dérober sous les masques trompeurs, ou illusionner en s’affublant d’oripeaux idéologiques : ennemis de classe ils sont, — et tels ils apparaissent franchement, brutalement ! Ici, la lutte s’engage face à face et tous les coups portent. Tout effort aboutit à un résultat tangible, perceptible : il se traduit immédiatement par une diminution de l’autorité patronale, par le relâchement des entraves qui enserrent l’ouvrier à l’atelier, par un mieux-être relatif. Et c’est pourquoi, logiquement, s’évoque l’impérieuse nécessité de l’entente entre frères de classe, pour aller côte à côte à la bataille, faisant ensemble front contre l’ennemi commun.

Aussi, est-il naturel que, dès qu’un groupement corporatif est constitué, on puisse inférer de sa naissance que, consciemment ou inconsciemment, les travailleurs qui s’y agglomèrent se préparent à faire eux-mêmes leurs affaires ; qu’ils ont la volonté de se dresser contre leurs maîtres et n’escomptent de résultats que de leurs propres forces ; qu’ils entendent agir directement, sans intermédiaires, sans se reposer sur autrui du soin de mener à bien les besognes nécessaires. L’Action Directe, c’est donc purement l’action syndicale, indemne de tout alliage, franche de toutes les impuretés, sans aucun des tampons qui amortissent les chocs entre les belligérants, sans aucune des déviations qui altèrent le sens et la portée de la lutte : c’est l’action syndicale sans compromissions capitalistes, — sans les acoquinades avec les