Page:Pouget - L’Action directe, 1904.djvu/3

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tion du principe de liberté, sa réalisation dans les masses : non plus en formules abstraites, vagues et nébuleuses, mais en notions claires et pratiques, génératrices de la combativité qu’exigent les nécessités de l’heure ; c’est la ruine de l’esprit de soumission et de résignation, qui aveulit les individus, fait d’eux des esclaves volontaires, — et c’est la floraison de l’esprit de révolte, élément fécondant des sociétés humaines.

Cette rupture fondamentale et complète, entre la société capitaliste et le monde ouvrier, que synthétise l’Action directe, l’Association internationale des Travailleurs l’avait exprimée dans sa devise : « L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes ». Et elle avait contribué à faire de cette rupture une réalité en attachant une importance primordiale aux groupements économiques. Mais confuse encore était la prépondérance qu’elle leur attribuait. Cependant, elle avait pressenti que l’œuvre de transformation sociale doit se commencer par la base et que les modifications politiques ne sont qu’une conséquence des changements apportés au régime de la production. C’est pourquoi elle exaltait l’action des groupements corporatifs et, naturellement, elle légitimait le procédé de manifestation de leur vitalité et de leur influence, adéquat à leur organisme — et qui n’est autre que l’Action Directe.


L’Action Directe est, en effet, fonction normale des syndicats, caractère essentiel de leur constitution ; il serait d’une absurdité criante que de tels groupements se bornassent à agglutiner les salariés pour les mieux adapter au sort auquel les a condamnés la société bourgeoise — à produire pour autrui. Il est bien évident que, dans le syndicat, s’agglomèrent pour leur self-défense, pour lutter personnellement et directement, des individus sans idées sociales bien nettes. L’identité des intérêts les y attire ; ils y viennent d’instinct. Là, en ce foyer de vie, se fait un travail de fermentation, d’élaboration, d’éducation : le syndicat élève à la conscience les travailleurs encore aveuglés par les préjugés que leur inculque la classe dirigeante : il fait éclater à leurs yeux l’impérieuse nécessité de la lutte, de la révolte ; il les prépare aux batailles sociales par la cohésion des efforts communs. D’un tel enseignement, il se dégage que chacun doit agir, sans s’en rapporter jamais sur autrui du soin de besogner pour soi. Et c’est en cette gymnastique d’imprégnation en l’individu de sa valeur propre, et d’exaltation de cette valeur, que réside la puissance fécondante de l’Action Directe. Elle bande le ressort humain, elle trempe les caractères, elle affine les énergies. Elle apprend à avoir confiance en soi ! À ne s’en rapporter qu’à soi ! À être maître de soi ! À agir soi-même !