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peut avoir son utilité. En certaines circonstances, rien de mieux que d’y recourir. Par lui, il est commode — pour des cas posés avec précision et netteté — de dégager l’orientation de la pensée ouvrière. D’ailleurs, les organisations syndicales savent en user, quand besoin est (aussi bien celles qui, ne s’étant pas encore dégagées complètement de l’emprise capitaliste, se réclament de l’interventionnisme étatiste, — que celles qui sont nettement révolutionnaires). Et ce, depuis longtemps ! Ni les unes, ni les autres, n’ont attendu pour cela qu’on prétende l’ériger en système et qu’on cherche à faire de lui un dérivatif à l’Action Directe.

Il est donc absurde d’arguer que le référendum s’oppose à la méthode révolutionnaire — de même le serait-il de prétendre qu’il est son complément inéluctable. Il est un mécanisme du calcul des quantités, insuffisant pour la mesure des qualités. C’est pourquoi il serait imprudent d’escompter qu’il puisse être un levier capable d’ébranler les bases de la société capitaliste. Sa pratique, — même si elle s’accentue, — ne suppléera pas aux initiatives nécessaires et à la vigueur indispensable lorsque sonneront les heures psychologiques.

Il est enfantin de parler de référendum, quand il s’agit d’action révolutionnaire, — telle la prise de la Bastille… Si, au 14 juillet 1789, les Gardes françaises n’étaient pas passées au peuple, si une minorité consciente n’eut pas donné l’assaut à la forteresse… si on eut voulu, au préalable, préjuger du sort de l’odieuse prison par un référendum, il est probable qu’elle boucherait encore l’entrée du faubourg Antoine.

L’hypothèse émise à propos de la prise de la Bastille peut s’appliquer à tous les événements révolutionnaires : qu’on les soumette à l’épreuve d’un référendum hypothétique et on déduira des conclusions semblables.

Non ! Il n’y a pas de panacée suffragiste ou referendiste qui puisse suppléer au recours à la force révolutionnaire. Mais, il faut nettement préciser la question : ce recours à la force n’implique pas l’inconscience de la masse. Au contraire ! Et il est d’autant plus efficace que celle-ci est douée d’une conscience plus éclairée.

Pour que la révolution économique que la société capitaliste porte dans ses flancs éclose enfin et aboutisse à des réalisations, pour que des mouvements de recul et de féroce réaction soient impossibles, il faut que ceux qui besognent à la grande œuvre sachent ce qu’ils veulent et comment ils le veulent. Il faut qu’ils soient des êtres conscients et non des impulsés ! Or, la force numérique, ne nous y méprenons pas, n’est vraiment efficace, — au point de vue révolutionnaire, — que si elle est fécondée par l’initiative des individus, leur spontanéité. Par elle-même, elle n’est