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Ce résultat obtenu, il restera encore à briser la force propre à la minorité parasitaire — qu’on aurait grand tort de tenir pour négligeable.

Telle est, dans ses grandes lignes, la besogne qui incombe aux travailleurs conscients.


La violence inéluctable.


Quant à prévoir dans quelles conditions et à quel moment s’effectuera le choc décisif entre les forces du passé et celles de l’avenir, c’est du domaine de l’hypothèse. Ce qu’on peut certifier, c’est que des tiraillements, des heurts, des contacts plus ou moins brusques l’auront précédé et préparé. Et, ce qu’on peut affirmer aussi, c’est que les forces du passé ne se résoudront pas à abdiquer et se soumettre. Or, c’est justement cette résistance aveugle au progrès inéluctable qui a, trop souvent dans le passé, marqué de brutalités et de violences la réalisation des progrès sociaux. Et on ne saurait trop le souligner : la responsabilité de ces violences n’incombe pas aux hommes d’avenir. Pour que le peuple se décide à la révolte catégorique, il faut que la nécessité l’y accule ; il ne s’y résout que lorsque toute une série d’expériences lui ont prouvé l’impossibilité d’évoluer par les voies pacifiques et — même en ces circonstances — sa violence n’est que la réplique, bénigne et humaine, aux violences excessives et barbares de ses maîtres.

Si le peuple avait des instincts violents, il ne subirait pas vingt quatre heures de plus la vie de misères, de privations, de dur labeur — panachée de scélératesses et de crimes — qui est l’existence à laquelle l’oblige la minorité parasitaire et exploiteuse. Pas n’est besoin, à ce propos, de recourir à des explications philosophiques, de démontrer que les hommes naissent « ni bons, ni mauvais » et qu’ils deviennent l’un ou l’autre suivant le milieu et les circonstances. La question se résout par l’observation quotidienne : il est indubitable que le peuple, sentimental et d’humeur douce ; n’a rien de la violence endémique qui caractérise les classes dirigeantes et qui est le ciment de leur domination — la légalité n’étant que la couche légère d’un badigeonnage d’hypocrisie destiné à masquer cette foncière violence.

Le peuple, déprimé par l’éducation qu’on lui inculque, saturé de préjugés, est obligé de faire un considérable effort pour s’élever à la conscience. Or, même quand il y est parvenu, loin de se laisser emporter par une légitime colère, il obéit au principe du moindre effort ; il cherche et