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Minorité contre Minorité.


Les masses ouvrières sont toujours exploitées et opprimées par une minorité parasitaire qui, si elle ne disposait que de ses forces propres, ne pourrait maintenir sa domination un jour, une heure ! Cette minorité puise sa puissance dans le consentement inconscient de ses victimes : ce sont celles-ci — source de toute force — qui, en se sacrifiant pour la Classe qui vit d’elles, créent et perpétuent le Capital, soutiennent l’État.

Or, pas plus aujourd’hui qu’hier, il ne peut suffire, pour abattre cette minorité, de disséquer les mensonges sociaux qui lui servent de principes, de dévoiler son iniquité, d’étaler ses crimes. Contre la Force brutale, l’idée réduite à ses seules moyens de persuasion est vaincue d’avance. C’est que l’Idée, la Pensée, tant belle soit-elle, n’est que bulle de savon si elle ne s’étaye pas sur la Force, si elle n’est pas fécondée par elle.

Donc, pour que cesse l’inconscient sacrifice des majorités à une minorité jouisseuse et scélérate, que faut-il ?

Qu’il se constitue une force capable de contrebalancer celle que la Classe possédante et dirigeante tire de la veulerie et de l’ignorance populaires. Cette force, il appartient aux travailleurs conscients de la matérialiser : le problème consiste, pour ceux qui ont la volonté de se soustraire au joug que les majorités se créent, à réagir contre tant de passivité et à se rechercher, s’entendre, se mettre d’accord.

Cette nécessaire besogne de cohésion révolutionnaire se réalise au sein de l’organisation syndicale : là se constitue et se développe une minorité grandissante qui vise à acquérir assez de puissance pour contrebalancer, d’abord, et annihiler, ensuite, les forces d’exploitation et d’oppression.

Cette puissance, toute de propagande et d’action, œuvre d’abord pour éclairer les malheureux qui, en se faisant les défenseurs de la classe bourgeoise, continuent l’écœurante épopée des esclaves, armés par leurs maîtres pour combattre les révoltés libérateurs. Sur cette besogne préparatoire, on ne saurait concentrer trop d’efforts. Il faut, en effet, bien se pénétrer de la puissance de compression que constitue le militarisme. Contre le peuple sans armes se dressent en permanence ses propres fils supérieurement armés. Or, les preuves historiques abondent montrant que tous les soulèvements populaires qui n’ont pas bénéficié, soit de la neutralité, soit de l’appui du peuple en capote qu’est l’armée ont échoué. C’est donc à paralyser cette force inconsciente, prêtée aux dirigeants par une partie de la classe ouvrière qu’il faut tendre continuellement.