Page:Pouget-Les Lois Scélérates de 1893-1894 - 1899.djvu/57

Cette page a été validée par deux contributeurs.

à un an et un jour de prison, puis la relégation perpétuelle.

Or, n’oublions pas la date de cette condamnation : fin de 1897. Nous sommes loin de 1894 et il serait puéril d’expliquer telle sévérité par l’écho des bombes venant troubler la sérénité du tribunal. D’ailleurs toute équivoque est impossible : le condamné s’étant pourvu en appel, le tribunal de Montpellier a confirmé le jugement, c’est donc bien l’application pure et simple des lois scélérates.

Je m’en tiendrais là, si je n’avais à attirer l’attention sur deux malheureux que les rigueurs du Code frappèrent antérieurement aux lois de 1893-1894 et qui sont dans toute l’étroitesse du terme, des condamnés politiques, quoique la peine qui les a frappés les classe dans la catégorie des prisonniers de droit commun.

Ce sont : Ernest Grangé, actuellement au bagne de la Nouvelle-Calédonie, et Girier-Lorion, actuellement à la Guyane.

Ernest Grangé était « de la classe ». Mais, conscrit peu enamouré de militarisme, il devança l’appel et gagna la Belgique. C’était en 1891. Il y resta peu de temps : le manque de travail et le désir de venir en aide à ses deux très jeunes enfants et à sa compagne, le ramenèrent à Paris, rue Saint-Maur, où la petite famille végétait.

Une dénonciation le fit découvrir peu après ; les gendarmes vinrent l’arrêter, mais Grangé leur brûla la politesse, prit le galop, et se serait peut-être sauvé, si, comme la maréchaussée hurlait à ses chausses, un garçon épicier n’eût cru faire acte héroïque en lui barrant la route.

Pour s’ouvrir passage, Grangé tira au hasard un coup de revolver, qui ne blessa personne. Il fut arrêté quand même, et ce coup de revolver, lâché dans le hourvari d’une course haletante, valait à l’insoumis sa dure condamnation. Son intransigeance anarchiste avait, d’ailleurs, indisposé jurés et magistrats : le verdict eut une saveur de couperet, — pas de circonstances atténuantes.

La Cour atténua…, et prononça : douze ans de travaux forcés et dix ans d’interdiction de séjour.