Page:Pouget-Les Lois Scélérates de 1893-1894 - 1899.djvu/54

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sait de connaître les convictions de l’accusé. Ils rapportèrent un verdict de culpabilité sans circonstances atténuantes, — ce qui signifiait vingt ans de travaux forcés.

La Cour répugna à si anormale sévérité et prononça cinq ans de travaux forcés.

Au cours de la même audience, comme pour souligner qu’en frappant Courtois, c’était l’anarchiste et non le faussaire qu’on envoyait au bagne, un commerçant, poursuivi pour faux en écritures de commerce était acquitté. Et ces faux, grâce auxquels l’accusé avait encaissé une somme assez importante, étaient avoués, reconnus.

Les victimes légales dont j’ai parlé jusqu’ici furent frappées au cours de la fièvre terroriste de 1894. Depuis l’amnistie qui suivit la chute de Casimir-Perier et l’élection de Félix Faure, il y a eu détente, mais détente plus superficielle que réelle.

La caractéristique de cette nouvelle période est l’hypocrisie : la magistrature passe la main à la police. Désormais, il y a peu de procès, c’est trop tapageur. On préfère soumettre les « suspects » à un régime tracassier qui a un résultat aussi efficace que l’emprisonnement : les « suspects » sont réduits sans bruit. Ils ne sont pas jetés au bagne, mais à la misère.

Voici apparaître un policier, le pointeau. Le pointeau a pour mission de passer plusieurs fois par semaine, au domicile de « suspects », plus ou moins anarchistes, dont liste a été dressée. Si encore le pointeau se bornait à visiter leur domicile, le désagrément pourrait n’être pas désastreux. Mais il rend visite aux patrons des « suspects » placés sous sa surveillance, les leur dénonce comme très dangereux et insinue qu’un homme d’ordre, respectueux des institutions républicaines, se doit de ne pas les employer. Neuf fois sur dix, l’employé, l’ouvrier est remercié… Et comme les manœuvres policières dont il est victime se renouvellent, il ne trouve plus de travail.

Bien entendu, aucun texte légal n’autorise pareille inquisition, — qui n’est pas le dernier mot de l’impudence de la police. Outre la surveillance minutieuse à laquelle sont soumis les « suspects », des mesures rigoureuses sont prises à