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Une des plus grosses charges sur lesquelles le Laubardemont angevin insiste, est l’organisation d’une soirée familiale publique où l’on dansa, chanta, prononça de violents discours… Tellement violents que le commissaire de police, présent à cette réunion, du début à la fin, ne fut en rien offusqué : il fit son rapport coutumier et aucun des orateurs ne fut inquiété. Mieux encore : cette soirée familiale avait eu lieu le 15 octobre 1893, deux mois avant la loi de décembre, et c’est au mépris de la non-rétroactivité qu’elle allait devenir une preuve d’association de malfaiteurs.

« Vous assistiez à la soirée familiale ! » dit gravement l’acte d’accusation à Mercier, Chevry et autres. À Philippe, il reproche d’avoir loué le local où se tint cette réunion et de l’avoir pittoresquement décoré : aux murs, des dessins et des allégories, au plafond, une marmite transformée en quinquet à pétrole.

C’est lui qui a organisé les fêtes familiales. On a trouvé chez lui la photographie de Ravachol ; on y a également trouvé des chansons anarchistes collées sur carton, destinées à être suspendues le long des murs pendant les réunions…

À la date du 15 février 1894, on a saisi à la poste d’Angers, avec l’adresse de Philippe, un paquet d’une vingtaine de placards…

Philippe étant sous les verrous, le juge d’instruction s’empara du paquet. Le vrai destinataire en eût-il pris livraison qu’il n’en découlerait pas qu’il fît partie d’une association de malfaiteurs, — et il n’avait rien reçu !

C’est tout ce que l’accusation lui reproche.

Contre Chevry, moins encore : le 22 décembre au soir, la police l’arrête et le trouve porteur de placards anarchistes, d’un pot à colle et d’un pinceau ; il est remis en liberté et ce n’est que plus tard qu’on l’incrimine de ces chefs. L’acte d’accusation est catégorique.

Aucun fait nouveau n’a été relevé contre lui depuis la tentative d’affichage du 22 décembre dernier, mais il est certain qu’il était un des habitués des réunions tenues chez Philippe…

Cela, et rien autre ! a été suffisant pour que l’on condamnât ce malheureux à cinq ans de travaux forcés.