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ticle parut (n’avait-il pas l’estampille du juge d’instruction ?) et le même juge d’instruction poursuivit.

En police correctionnelle Étiévant fut condamné, par défaut, à cinq ans de prison, plus la relégation. Ceci on en conviendra, ne manquait pas de « raideur ». Cette peine de la relégation fut infligée à l’accusé sous prétexte que sa condamnation de 1892 l’en rendait passible…, en vertu de la loi de juillet 1894.

Un point de droit absolu est que les lois n’ont pas d’effet rétroactif. Donc, strictement, Étiévant n’était pas reléguable.

On sait le reste : l’exaspération du condamné, son acte, son arrestation…

Est-il absurde de conclure que si les juges d’Étiévant s’étaient bornés à la simple application de la loi — déjà si draconienne ! — leur victime n’eût pas été incitée… à sortir de la vie en faisant claquer les portes ?

Ces magistrats n’ont d’ailleurs pas seuls renchéri sur le texte légal. Bien d’autres ont dédaigné le principe de non-rétroactivité, et nous les verrons à l’œuvre.

À peine la loi sur les associations de malfaiteurs était-elle promulguée que le parquet d’Angers, fin décembre 1893, faisait procéder à une quarantaine de perquisitions et d’arrestations pour aboutir, fin mai 1894, à poursuivre pour entente une demi-douzaine d’individus, accolés au hasard des malechances.

De ces six, qui subirent le baptême de la loi sur les associations de malfaiteurs, deux furent acquittés (Mercier et Guénier) et quatre condamnés : Meunier, à sept ans de travaux forcés et dix ans d’interdiction de séjour ; Chevry, à cinq ans de travaux forcés et dix ans d’interdiction de séjour ; Fouquet[1], à deux ans de prison ; Philippe, à cinq ans de prison avec application de la loi Bérenger.

De charge contre ces hommes, — aucune, absolument aucune. L’acte d’accusation, qui serait à publier en entier, est un monument de sottise.

  1. Le malheureux, soldat au moment du procès, fut envoyé en Afrique. Il y est mort… de privations assaisonnées des brutalités coutumières là-bas.