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taire d’un magistrat fort expert, M. Fabreguettes, aujourd’hui conseiller à la Cour de cassation :

« Quand pourra-t-on dire qu’il s’agit d’un acte de propagande anarchiste, d’un but de propagande anarchiste ?

« La caractéristique de l’anarchie, c’est l’acte de propagande par le fait, c’est-à-dire le crime, l’attentat individuel.

« En cela, il y a une différence entre l’anarchiste et le socialiste révolutionnaire. Celui-ci entend procéder non par mesures individuelles successives, mais par la révolution générale.

« Mais on sent combien il est difficile de distinguer : ce sont toujours des actes individuels qui préludent à une insurrection, et une révolution n’est que la somme totale d’actes de rébellion, de sédition, d’attentats particuliers.

« De même, on n’aura pas toujours la ressource de trouver dans les antécédents la preuve que le coupable est affilié à l’anarchie. Du reste les criminels anarchistes sortent presque tous du socialisme révolutionnaire… La nature du propos, du discours, de l’écrit ne donnera presque jamais une clarté suffisante. On pourra les attribuer indifféremment à un anarchiste ou à un socialiste révolutionnaire. »

Et encore ce passage plus candide :

« Nous craignons fort que la nouvelle loi soit peu applicable si l’on veut ne la réduire qu’à des anarchistes avérés. Il arrivera forcément que, dans les temps troublés, ceux où l’on procède par fournées et où le besoin de sécurité publique prend parfois le pas sur des interprétations trop bienveillantes (sic), on sera obligé de ne pas restreindre le champ d’application. »


VIII. — C’est assez montrer que la loi, avec sa cruauté intacte, avait conservé son caractère d’hypocrisie équivoque qu’y avait volontairement introduit le gouvernement.

Les trois lois des 12 et 18 décembre 1893 et du 28 juillet 1894 sont encore aujourd’hui toutes prêtes pour donner à une réaction cléricale ou à une dictature militaire une arme aussi meurtrière et plus sûre que les lois de sûreté générale ou que la loi de prairial an II.