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à d’amères réflexions les spectateurs assez naïfs pour avoir conservé quelque illusion sur la probité républicaine de cet homme d’État trop distingué.

Il est certain que l’intervention active de M. Bourgeois au cours du débat, dans la discussion générale ou sur l’un quelconque des amendements que lui-même devait voter, aurait détaché une trentaine de voix d’une majorité têtue, mais honteuse, et par là même amené la chute du ministère et l’effondrement du projet de loi. Moins courageux que M. Brisson, M. Léon Bourgeois n’osa pas compromettre sa réputation d’homme de gouvernement. Il se tut. C’est une attitude, jointe à plusieurs autres, que n’oublieront pas quelques-uns de ceux qui furent jadis ses amis muets, mais efficaces.

Il est vrai que M. Bourgeois s’est vanté depuis lors d’avoir, par son amendement à l’article 1er (qui consistait, on s’en souvient, à ajouter au texte du gouvernement ces mots : lorsque ces actes auront pour but la propagande anarchiste, d’avoir, dis-je, adroitement et sans l’air d’y toucher, brisé dans la main du gouvernement l’arme aiguisée contre la liberté. Il faut toujours se méfier de ces habiletés hypocrites. J’avoue volontiers que l’amendement de M. Léon Bourgeois était habile et qu’il eut l’art de le faire voter comme s’il était tout naturel, évident et accepté par tout le monde. Je répondrai tout d’abord que ce sont là de ces adresses grâce auxquelles on se tient un peu aisément quitte de son devoir. Mais examinons la question de plus près. Il est exact que le texte voté par les Chambres différait en plusieurs points du projet de MM. Guérin et Charles Dupuy. Les délits contre la sûreté intérieure de l’État cessaient d’y être visés. La relégation ne pouvait plus être prononcée dans tous les cas, puisque on exigeait désormais une condamnation principale à une année au moins d’emprisonnement et outre une condamnation antérieure. Mais, en vérité, ce ne sont là que des nuances dans l’absurdité ou dans la brutalité. Enfin la disposition additionnelle de M. Bourgeois avait été votée à mains levées ! Pour les lecteurs et les électeurs naïfs qui penseraient qu’ainsi amendée la loi devait rester inoffensive, je me contenterai de transcrire le commen-