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les lois scélérates de 1893–1894

déférer à une chambre correctionnelle, — jugeant à huis-clos, interdisant la reproduction des débats et pouvant, à une condamnation principale de trois mois de prison, joindre, comme peine accessoire, la relégation perpétuelle. — une campagne révisionniste ou antimilitariste, un exposé de doctrines sociales, les cris de À bas Méline, ou de Vive la Révolution.

C’était bien l’intention de M. Dupuy. Nous n’en pouvons douter, et je dis là des noms et des choses que les républicains ne devraient pas oublier. M. Brisson et M. Millerand le démontrèrent d’une façon péremptoire. Et, au surplus, le texte est là. On peut bien, comme le firent les ministres, arguer d’erreurs et d’inadvertances. Mais personne ne pourra croire à des erreurs comme celles-là. Du reste, au cours de la discussion, on vit M. Lasserre, rapporteur, sommé de donner une définition de l’anarchie, définir tranquillement le socialisme révolutionnaire ! Un des deux articles cités par M. Dupuy, dans son unique discours, était d’un socialiste notoire, M. Maurice Charnay, article contre la peine de mort, qu’avec une insigne mauvaise foi M. Dupuy donnait comme une apologie de la propagande par le fait. On était si résolu à confondre le socialisme et l’anarchie que M. Deschanel, répondant à M. Jules Guesde, l’accusait explicitement, grâce à des citations qui, naturellement, furent reconnues falsifiées, d’être l’auteur responsable des crimes de Vaillant et de Caserio. Et c’était bien là une accusation préméditée, car M. Deschanel, sommé de montrer la brochure d’où ces citations étaient extraites, dut déclarer qu’il ne l’avait pas sous la main. Il avait donc, chez lui, à l’avance, préparé ses citations et sa théorie, et c’était bien un dessein prémédité et non pas un hasard de discussion. Peut-on s’étonner, d’ailleurs, qu’on ait voulu, de parti-pris, englober le socialisme dans un projet de loi où M. Goirand voulait introduire une disposition contre les insultes à la magistrature, et M. Flandin, membre influent de la commission, un article contre la licence des rues ?

La commission n’alla pas tout à fait aussi loin que le gouvernement. L’article 1er remanié ne visa plus l’article 24, § 2, — c’est-à-dire les délits contre la sûreté intérieure de l’État. Elle ne voulut pas conserver dans la loi le terme trop expres-