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La loi votée par la Chambre fut portée au Sénat sans désemparer ; le Sénat déclara l’urgence et renvoya la discussion au lendemain 12 décembre. M. Trarieux fut nommé rapporteur. La loi fut votée à l’unanimité des 263 votants, sans que personne eût pris la parole pour la combattre.


III. — Pour la loi sur les associations de malfaiteurs, on se pressa moins. On attendit quatre jours. Déposée le 11 décembre, elle fut discutée le 15 décembre, sur le rapport de M. Flandin.

Elle n’était pas moins grave que la précédente. Elle ne modifiait pas seulement quatre articles du Code pénal ; elle lésait un des principes généraux de notre législation. La loi française pose en principe que « le fait coupable ne peut être puni que quand il s’est manifesté par un acte précis d’exécution ». Aux termes de ce nouveau texte, la simple résolution, l’entente même prenait un caractère de criminalité.

C’est sur ce mot d’entente que la discussion porta. Elle fut brève. M. Charpentier vint protester contre la précipitation avec laquelle le gouvernement demandait à la Chambre de créer ainsi à la fois un nouveau mot et un nouveau crime. MM. Jourde, de Ramel, Goblet montrèrent que tout peut être considéré comme une entente, une lettre, une conversation, le hasard d’une rencontre. La Chambre ne les écouta pas. M. Flandin répondit qu’on voulait précisément atteindre des groupes non organisés, des concerts fortuits, des associations provisoires, et qu’à dessein l’on avait choisi le mot le plus vague qu’offrît la langue. Un amendement de M. Jourde, tendant à remplacer le mot entente par les mots « résolution d’agir concertée et arrêtée », fut repoussée par 406 voix contre 106. — 406 voix contre 39 votèrent aussitôt après l’ensemble du projet de loi.

« La résolution d’agir concertée et arrêtée », c’est la définition du complot dans le Code pénal. Et c’est sur l’exemple du complot que se fondaient précisément le ministère et la commission pour justifier la loi nouvelle. Pourquoi dès lors se refusaient-ils à y introduire la même définition légale ? N’était-ce pas assez de punir l’intention alors que la loi n’a jamais