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gence, « que la Chambre ne semblât céder à un sentiment d’affolement en votant un texte dont elle avait à peine entendu la lecture », demanda qu’une commission fût nommée sur le champ et déposât son rapport dans la séance même. M. Jullien implora une simple suspension de séance, une suspension d’une demi-heure « pour donner la possibilité de lire le texte de loi déposée ». À ces divers orateurs, M. Casimir-Perier, soutenu par les applaudissements frénétiques du centre, répondit en posant plus impérieusement la question de confiance. La Chambre obéit.

Par 404 voix contre 143, elle repoussa le renvoi au lendemain ; par 389 voix contre 156, elle refusa de suspendre sa séance. La discussion de ce texte difficile, qui n’avait été ni imprimé ni distribué, mais à peine lu du haut de la tribune, commença. Elle ne fut pas longue. Pour critiquer, il faut connaître : l’ignorance générale arrêta les objections. M. Pourquery de Boisserin demanda quelques explications sur l’article 1er. Le garde des sceaux répondit en lisant les placards libertaires et un extrait de la Revue Anarchiste. M. Jullien demanda qu’en cas d’arrestation préventive le juge d’instruction fût tenu de rendre une ordonnance de renvoi ou de relaxer le prévenu dans les 24 heures. Le garde des sceaux répondit d’un mot et se refusa à discuter la proposition de M. Jullien « qui n’en avait pas apporté le texte à la tribune ». Il y a dans cette réponse une certaine ironie involontaire que l’on goûtera.

Ce fut tout. 413 voix contre 63 adoptèrent, après une discussion d’une demi-heure, un texte capital, qui modifiait une loi votée après deux ans de travaux parlementaires, qui touchait aux principes les plus certains du droit public. La pression du ministère avait tout emporté. La Chambre avait cédé sous la menace d’une crise. Nous retrouverons ces procédés-là.

Les scrutins sont faciles à analyser. Contre le ministère : les socialistes et quelques radicaux (MM. Brisson, Goblet, Pelletan, Mesureur, Guieysse). Pour lui : le reste de la Chambre, y compris MM. Bourgeois et Cavaignac. Ainsi se forment les hommes d’État démocratiques.