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On peut être souvent déçu quand on veut savoir comment nos ministres gouvernent et comment nos législateurs font les lois.


II. — Le samedi 9 décembre 1893, Vaillant lançait, dans l’hémicycle de la Chambre des députés, cette bombe qui n’interrompit pas la séance. Le lundi 11 décembre, M. Casimir-Perier, pour sauvegarder à la fois « la cause de l’ordre et celle des libertés publiques » et « considérant que la fermeté ne peut exister sans le sang-froid », soumettait à la Chambre un ensemble de mesures répressives, et lui demandait de discuter aussitôt la plus urgente : la loi sur la presse.

Le garde des sceaux Dubost montait alors à la tribune et exposait l’économie de ce projet de loi. Je le résume. Alors que la loi sur la presse ne punit que la provocation directe aux faits qualifiés crimes, le nouveau texte frappait la provocation indirecte, c’est-à-dire l’apologie. Les pénalités étaient élevées. Dans tous les cas — exception faite pour les délits contre la sûreté intérieure de l’État — le juge pouvait, contrairement au principe posé par l’article 49 de la loi du 29 juillet 1881, ordonner la saisie et l’arrestation préventive.

Un délit nouveau, de nouvelles peines, une procédure nouvelle, c’était là matière à discussion. M. Dubost lut le texte et, après cette lecture rapide d’un texte compliqué, invita la Chambre, en posant la question de confiance, à déclarer l’urgence et la discussion immédiate et à voter, séance tenante, le projet de loi du gouvernement.

On verra par ce qui suit que la Chambre ne lui opposa pas une vive résistance. M. Goblet parut à la tribune. Il reprocha au ministère de rétablir dans les lois, après vingt-trois ans de République, les vieux délits qu’elle s’était fait honneur d’avoir supprimés. Il combattit la discussion immédiate. Il affirma que la Chambre paraîtrait manquer de sang-froid, et même d’une certaine élégance, en votant fiévreusement des lois de répression après le crime commis dans son enceinte. M. Casimir-Perier lui répondit avec une dédaigneuse concision. M. Camille Pelletan demanda le renvoi au lendemain. M. de Ramel, plus modeste, mais craignant, quelle que fût l’ur-