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Comment elles ont été faites.


I. — On comprend sous le terme générique de Lois scélérates trois lois distinctes : la loi du 12 décembre 1893 ayant pour objet de modifier la loi du 29 juillet 1881 sur la presse ; la loi du 18 décembre 1893 sur les associations de malfaiteurs ; la loi du 28 juillet 1894 ayant pour objet de réprimer les menées anarchistes.

Les deux premières ont été présentées par MM. Casimir-Perier et Antonin Dubost, la troisième par MM. Charles Dupuy et Guérin. Dirigées contre les anarchistes, elles ont eu pour résultat de mettre en péril les libertés élémentaires de tous les citoyens. Elles permettent au premier « gouvernement fort » qui surviendra de tenir pour nulle la loi de 1881, loi incomplète, mais libérale et sensée dans son ensemble, et l’une des rares lois républicaines de la République. Elles abrogent les garanties conférées à la presse en ce qu’elles permettent la saisie et l’arrestation préventive ; elles violent une des règles de notre droit public en ce qu’elles défèrent des délits d’opinion à la justice correctionnelle ; elles violent les principes du droit pénal en ce qu’elles permettent de déclarer complices et associés d’un crime des individus qui n’y ont pas directement et matériellement participé ; elles blessent l’humanité en ce qu’elles peuvent punir des travaux forcés une amitié ou une confidence, et de la relégation un article de journal.

On sait que ces lois sont excessives et barbares. On trouvera prochainement dans cette Revue la liste de leurs victimes. Quant à moi, je voudrais résumer leur histoire. Votées en une séance comme le fut la première, ou en quinze comme le fut la troisième, je voudrais montrer ce qu’en fut la discussion, chercher si elle fut complète, si elle fut loyale, si elle fut lucide. C’est un travail qui mènera sans doute le lecteur, comme moi-même, à des réflexions désobligeantes et amères.